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DEUXIÈME PARTIE

l’attaquaient, des bouches sans nombre criaient : Morris ! Morris Mac-Diarmid !

Francès ne croyait point aux choses de l’amour. La folie de sa tante avait fait sur elle l’effet d’un préservatif énergique, et tout ce qui sentait le roman, le fantastique, la fausse poésie, la repoussait à coup sûr.

L’habitude avait mis une teinte de gravité trop sévère parmi sa douce beauté, et son cœur était, comme son visage, doux et austère.

Ce cœur n’avait jamais battu au nom d’un homme. On se croit bien vite à l’abri de l’amour, dès que l’amour tarde à frapper. Francès pensait sincèrement qu’il en était de cela comme de tout ce dont parlait sa tante, et reléguait l’amour dans le domaine des chimères.

Elle ne se demanda point pourquoi elle rêvait davantage, et plus longtemps, et plus doucement ; elle ne se demanda point pourquoi cette image restait obstinément gravée au fond de son cœur, et pourquoi sa bouche murmurait involontairement ce nom si récemment appris.

Elle aima sans savoir, et quand, pour la première fois, elle se dit que peut-être elle aimait, ce fut pour affermir en sa révolte sa conscience incrédule et pour se moquer de son propre cœur.

Mais qu’importe la manière dont la passion