Page:Féval - La Quittance de minuit, 1846 - tome 2.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
DEUXIÈME PARTIE

Il se tournait vers Paddy, qui n’avait pas le temps de lui rendre une caresse, et qui mangeait, et qui mangeait !…

Gib souriait, bien heureux. Il attirait à lui les deux enfants et les serrait contre son cœur avec un indicible amour. Ils se roulaient tous les trois sur le sol mouillé. Leurs grands cheveux incultes se mêlaient. Tout dans cette scène avait un caractère d’allégresse sauvage et d’étrange joie.

La misère était là tout autour, la misère nue, horrible, menaçante ; mais, parmi cette misère, il y avait de fougueuses délices et une jouissance vive qui n’est point autour de la table des lords.

Les longues dents blanches des enfants mordaient le pain sans relâche. De fugitives couleurs remontaient lentement à leurs joues et leur rendaient cette beauté gaie qui sourit sur les jeunes fronts.

Comme le pauvre Gib les trouvait jolis, et comme il les aimait !

— C’est bon cela, petite Su, mon gentil cœur ? murmurait-il sans savoir ce qu’il disait. Le vieux Gib a donné du pain à son garçon Paddy !… Oh ! ma bouchal ! que le pain est bon quand on a grand’faim !… Écoutez ! écoutez ! pour ce pain-là Gib a vendu son âme… Mais