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LES SAXONS.

Il se sentait trembler et défaillir.

Gib montra du doigt le bissac à cheval sur la corde de paille. Les deux enfants ne firent qu’un bond. Leurs mains se plongèrent à la fois sous la toile, et leurs bouches s’emplirent avidement, tandis qu’ils poussaient des cris étouffés de sauvage plaisir.

Le bissac contenait deux pains d’avoine et quelques pommes de terre.

— C’est mon rêve, ma sœur Su ! disait Paddy la bouche pleine, c’est mon beau rêve !… Vois comme le pain est tendre et blanc !

Su ne pouvait répondre. Elle mangeait ; elle mangeait avec une incroyable avidité.

Les larmes étaient revenues aux yeux de Gib Roe.

— Ils n’auront plus faim, pensait-il, les pauvres chéris !… Comme ils mangent !… je les aurais trouvés morts quelque jour dans les bogs… Ah ! le bon Dieu me punira peut-être ; mais que ça fait de bien de les voir manger et être heureux !

Su et Paddy s’étaient jetés par terre pour être plus à l’aise, Gib vint se coucher sur le sol entre eux deux.

Il embrassait la petite Su, qui s’échappait de ses mains afin de ne point perdre une bouchée.