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DEUXIÈME PARTIE

là de routes tracées, et aucun signe sensible ne pouvait leur servir à reconnaître le chemin. C’étaient des flaques d’eau recouvertes d’un tapis uniforme, de l’herbe couchée, des joncs ras, et çà et là quelques maigres pousses de bog-pines.

Et toujours, et toujours…

Ils allaient, guidés par un instinct sûr et aussi difficile à tromper que celui des poneys eux-mêmes. Et en courant, la petite Su disait :

— Que veut-on faire au major saxon Mortimer ?

— Notre père Gib, répliqua le garçon, dit que le major a tué beaucoup d’Irlandais… Je crois bien qu’on veut tuer le major.

Su perdit son sourire et ralentit son pas.

— Le tuer ! murmura-t-elle. Oui, je pense que vous avez raison, mon frère Paddy… Mais nous serons donc cause de sa mort, nous qui allons vers lui pour le tromper ?

— Oh ! dit le garçon, c’est un Anglais après tout !… et ce sont les Anglais qui nous prennent notre pain !

— J’ai entendu dire, reprit Su, après un instant de silence pensif, que ce n’est pas un péché de tuer un Saxon.

— Un péché ! s’écria Paddy étonné, pourquoi