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DEUXIÈME PARTIE

Les hommes armés de mousquets restaient sur la chaussée et faisaient office du corps de réserve qui, dans toute expédition bien menée, protège les travailleurs.

Le Rubicon était franchi ; le premier mouvement de frayeur avait cédé au désir de la vengeance. On entendit bientôt de toutes parts le bruit des scies et le son plus éclatant des haches, attaquant les madriers de la chaussée.

C’était un rude travail. Les pièces de bois épaisses reposaient la plupart du temps à plat sur la terre délayée, et la scie ne pouvait point jouer. D’un autre côté, le cornet à bouquin des sentinelles retentissait à chaque instant, annonçant l’approche d’un témoin suspect. Il fallait s’arrêter et attendre.

Mais le témoin était toujours un homme du pays qui, obéissant aux ordres des sentinelles, consentait à passer au large, et qui parfois même poussait la bonne volonté jusqu’à se joindre aux travailleurs.

Ceux-ci étaient pour le plus grand nombre composés de nos nocturnes connaissances de la galerie du Géant. Il y avait là le grand Mahony, armé d’une hache énorme, et qui achevait ordinairement d’un seul coup ce que la scie n’avait pu faire.