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LES SAXONS.

Il semblait qu’il y eût là, tout alentour, un vent de mortelle colère. Elle se sentait ployer sous ce redoutable faisceau de rancunes amassées.

Elle demandait à Dieu son courage. Durant un instant sa faiblesse de femme l’emporta ; des larmes amères coulèrent de ses yeux, ses jambes tremblantes plièrent, et sa tête pâlie oscilla sur ses épaules.

Mais ce ne fut qu’un instant. Il y avait en elle la fière vaillance d’un homme. Elle se redressa dans sa fermeté indomptable, et ses voisins qui la touchaient du coude n’eurent point le temps de remarquer son trouble.

Elle fit le signe de la croix sous le capuce de sa mante, et jeta vers Dieu le cri de son âme de vierge.

Puis elle écouta, parce que la bouche du géant se rouvrait.

— Voilà qui est bien parler, mon jeune maître ! dit ce dernier, en s’adressant à l’homme qui portait la mante rouge de Molly-Maguire ; du diable s’il peut y avoir une dette entre un bon chrétien comme vous et un scélérat de Saxon !… Mais enfin la dette est payée ; que Dieu vous bénisse et que le diable prenne soin de lui !… Écoutez-moi, vous autres !

Il tourna le dos à l’estrade et fit volte-face