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LES SAXONS.

Et à voir ces hommes à cœur d’enfant, bavards comme des femmes, timides, furieux et se laissant aller aux triomphes délirants d’une puérile vengeance, il se demandait, lui le cœur valide et ferme : Sont-ce là les soldats de mon armée ?…

Et un lourd dégoût s’appesantissait sur son âme. Et il lui fallait toute la vigueur de son courage pour ne pas tourner le dos et fuir devant la misère morale de ses propres soldats.

Mais c’était une nature généreuse, soudaine et patiente à la fois. Au dedans de lui brûlait et ne pouvait point s’éteindre ce feu sacré des belles âmes, l’amour de la patrie.

Il avait rêvé une fois l’Irlande grande et libre. Qu’importaient les obstacles de la route ? et n’y avait-il pas deux issues à ce chemin où s’était engagée sa forte jeunesse : la victoire et la mort ?

Il marchait ; chacun de ses pas était un effort douloureux, bien souvent un choc imprévu le rejetait brisé tout en bas de la route ardue ; mais il remontait infatigable, et la pensée ne lui venait point de regarder en arrière.

Un jour cet homme avait rejeté loin de lui d’un bras fort son seul espoir de bonheur dans la vie.