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LES SAXONS.

compagne. Auprès de lui s’épanouissait un frais sourire de vierge ; il entendait la voix naïve d’un cœur qui l’aimait, qui cherchait son cœur, et d’où sortaient des paroles adorées.

Jessy, pauvre Jessy ! douce martyre, vous étiez là ! Vous saviez les durs efforts de sa lutte hardie, et vous le souteniez, et vous lui redonniez courage, quand l’obstacle à franchir dépassait la force d’un homme.

Jessy ! belle et pure fille de la montagne ! ange radieux dont le sourire avait tenté le ciel ! vous viviez dans sa mémoire, et votre souvenir aimé était le baume qui s’étendait sans cesse sur la blessure ouverte de son âme…

Que parlaient-ils de vengeance, ces hommes qui ne vous avaient point connue ? Morris, lui, vous voyait au ciel, où votre divin sourire lui parlait de miséricorde et de pardon…

Il ne pardonnait point pourtant, car il n’était qu’un homme, et son âme se révoltait, indignée, à la pensée du lâche assassinat. Mais, aux heures où la réflexion grave dominait les souvenirs et le reportait tout entier vers la patrie aux abois, tout autre sentiment s’effaçait en lui. Son amour tout seul aurait pu rester debout. Sa haine s’éteignait ou plutôt se confondait avec la grande haine qu’il portait à l’Angleterre.