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LES SAXONS.

« Oh ! mon cœur bat à cette heure encore, et j’ai comme un lointain ressouvenir de tant de joie. Mes yeux, brûlés par tant de pleurs amers, ont aujourd’hui de douces larmes… Morris, que je vous aime !

« Mon fiancé ! vous souvenez-vous ? c’était à me contempler que vous trouviez vos seuls sourires… des sourires si beaux !… Vous souvenez-vous encore, quand vos grands yeux noirs méditaient que la pensée plissait votre front noble, je me taisais… vous ne saviez plus bien souvent que Jessy, votre amie, était auprès de vous. Votre esprit se donnait tout entier à la patrie ; moi, je vous aimais mieux et je n’étais point jalouse. Il n’y avait en mon cœur qu’admiration et respect ; car vous avez l’âme héroïque des anciens guerriers, Morris, et les fils de nos fils chanteront votre vaillance…

« Mon fiancé ! Je devrais mourir à prononcer ce mot qui dit tout ce que j’ai perdu… Sais-je pourquoi il me soutient et me console ?…

« Vous rêviez bien longtemps. Notre course allait silencieuse. Je lisais, moi, sur le livre ouvert de votre beau visage ; je devinais ce qui était au fond de votre âme et j’admirais. Puis un soupir, un rien vous révélait ma présence, et vous mettiez ma main sur vos lèvres, et vous