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LES SAXONS.

« L’Irlande ! l’Irlande !

« Oh ! mes parents chers ! oh ! tout ce que j’aimais !

« Noble et bon père ! saint vieillard ! je reconnus son visage vénérable tandis qu’il montait la colline lentement. Je reconnus Mickey le fort, Natty, Sam le joyeux, Larry, Dan toujours prêt à mettre au vent son shillelah, Owen qui rêvait sans doute à Kate, sa jolie fiancée, et le blond Jermyn, pauvre enfant qui aime comme on respire et qui n’ose point regarder au fond de son cœur. Je reconnus la noble heiress. Il me sembla qu’en elle quelque chose était changé. Un voile de rêverie couvrait son hautain visage, et ses grands yeux noirs, où Dieu a mis les sombres reflets d’or des races souveraines, se baissaient plus tendres et plus doux…

« Vous étiez là, Morris, le plus aimé entre tous ces amis chers, mon fiancé ! vous dont le souvenir me retient en la vie !…

« À mi-coteau, le vieux Mill’s s’arrêta et appuya sur son long bâton ses mains ridées. Son regard, chargé de tristesse, se leva vers la maison de lord George que votre geste lui désignait.

« Et tous nos frères firent comme le vieux Mill’s : leurs bras s’étendirent vers moi, tandis que leurs yeux brillaient de colère.