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Page:Féval - La Quittance de minuit, 1846 - tome 3.djvu/130

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TROISIÈME PARTIE.

naient de se passer dans l’enceinte de la prison de Galway, occupaient involontairement sa rêverie. Il revoyait la douce figure de cette belle jeune fille qui s’était jetée au-devant du coutelas de maître Allan, le geôlier, pour défendre sa vie, à lui, Morris.

Il ne la connaissait point. Pourquoi cet intérêt qui était assurément plus que de la pitié…

Elle avait dit en parlant de son père : « Il est innocent, nous le sauverons !… »

Il eût voulu la remercier et l’aimer.

Mais cette reconnaissance qu’il éprouvait pour elle ne ressemblait en rien à de l’amour. C’était un culte mystique, sans passion ni désir, et ressemblant à ce bel amour qui n’offense pas les anges…

Morris l’avait à peine entrevue, mais son image restait gravée tout au fond de son âme, et, sans y songer, il lui disait des prières comme on fait aux saintes du ciel.

Ce n’était point une rivale pour la mémoire de la pauvre Jessy. Jessy n’était point oubliée, et le cœur de Morris était tout entier à son souvenir. Mais il souriait à l’image évoquée de Francès, dont il ne savait point le nom ; il joignait ses mains sur son shillelah, et son cœur fort s’amollissait de plus en plus en des rêveries inconnues…