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QUATRIÈME PARTIE.

qu’en un moment où la capitale du comté avait besoin de tous ses défenseurs, on dirigeait des troupes vers la petite ville de Kilkerran, point extrême, que son isolement mettait d’ordinaire à l’abri des agitations politiques ?

À vrai dire, Morris ne se faisait point ce raisonnement tout au long. Sa tête et son cœur étaient trop remplis pour qu’il s’occupât sérieusement de ce bruit, entendu dans les ténèbres. Il allait toujours, hâtant de plus en plus sa course rapide, et dévorant l’espace qui le séparait du salut de sa fiancée.

Il avait maintenant de l’espoir, mais un espoir mêlé de crainte poignante. Le manuscrit de Jessy était un suprême appel qu’elle avait laissé au moment où tout lui manquait.

Et il y avait à présent près de deux jours que cet appel restait pour elle sans réponse.

Deux jours, deux longs jours depuis qu’elle avait ressenti l’atteinte cruelle de la faim !

Oh ! que les minutes étaient précieuses ! Morris ne pouvait se la représenter que mourante, et ce que demandait à Dieu son ardente prière, c’était de prolonger encore durant quelques instants l’agonie de la pauvre victime.

Tout lui était expliqué à cette heure ; il voyait clair en ce dédale où son esprit s’égarait la veille.