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LA GALERIE DU GÉANT.

il se voyait seul, plus il craignait de tomber, captif ou mort, dans cette lutte où personne après lui ne devait prendre la défense de la pauvre recluse.

Ses frères ne savaient rien encore du sort de Jessy. Morris se disait que risquer en ce moment sa vie ou sa liberté, c’était jouer sur la plus précaire de toutes les chances le dernier espoir de Jessy O’Brien.

Et cependant il fallait agir, car le retard aussi était le désespoir.

Il quittait la porte du château, sourd aux moqueries des grooms qui le suivaient le long de l’avenue ; il courait comme un fou par la campagne déserte, cherchant ses amis absents.

Personne ! Il revenait vers Montrath, où l’appelait toujours une mystérieuse impulsion. Il savait bien qu’il n’en pourrait point franchir le seuil, mais il approchait le plus près possible ; il glissait son regard avide chaque fois qu’on ouvrait les portes. Sa raison, si lucide et si ferme d’ordinaire, avait cédé ; il ne se rendait point compte de ses actions, et, à mesure que s’écoulaient ces heures de tortures désespérées, il arrivait à n’avoir d’autre guide qu’un instinct de plus en plus confus.

Il allait absorbé par son mal. Ses yeux hagards