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Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/286

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— Depuis trois ans, elle a embelli, interrompit M. Badoît.

— Bravo ! Mais quand vous avez dit pour la première fois : d’ailleurs, ce n’était pas de Mlle Ysole de Champmas que vous vouliez parler, patron.

— C’est vrai, petiot. On ne peut rien te cacher. Je voulais parler de Blondette.

— Blondette, c’est la fille d’adoption ?

— Blondette, c’est le mystère ! Je voulais ajouter : d’ailleurs, quoiqu’elle soit plus jolie que les anges, Blondette ne peut pas inspirer d’amour à M. le baron, ni à personne.

— Trop jeune ?

— Quinze à seize ans.

— Hé ! hé ! s’il n’y a que cette raison-là…

— Il y a une autre raison bien triste : Blondette est, à ce qu’il paraît, un malheureux être privé d’intelligence, et, de plus, elle est muette.

Pistolet garda un instant le silence.

— Vous la connaissez, patron ? reprit-il ensuite.

— Jamais je ne l’ai vue.

— Alors, qui vous a dit qu’elle était idiote et muette ?

Mme Soulas.

Pour la seconde fois, Pistolet resta un instant sans parler.

— Celle-là était une bonne personne autrefois, murmura-t-il. Je veux vous conter un détail, pendant que j’y pense, patron. Le lendemain du grand jour, car, en définitive, pour nous, tout part de ce jour-là, je rencontrai Mme Soulas, vers les dix heures du matin, sur le quai des Orfèvres. Elle avait l’air d’une folle. Vis-à-vis de la maison au foulard rouge, vous savez bien ce que je veux vous dire, elle rencontra une autre folle : la vieille Jeannette, servante des demoiselles de Champmas…

— Jeannette sortait de me parler, interrompit ici M. Badoît, et je venais lui dire que la fille cadette du général avait disparu.