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Page:Féval - La Vampire.djvu/111

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LA VAMPIRE

fiévreux, — puis triste, morne, plein d’épouvantes lugubres.

René pensait, vaguement, mais toujours.

Il entendait, il voyait, ou bien peut-être croyait-il entendre et voir.

Ainsi sont les rêves, qu’ils s’appellent heureux songes ou cauchemars horribles.

Qu’elle était belle, jeune, ardente, divine ! Quelles chères paroles échangées ! Et quels silences plus éloquents mille fois que les paroles !

C’était la première heure.

René se souvenait de l’avoir contemplée endormie, sa tête charmante baignée de cheveux noirs et appuyée sur son bras nu.

Puis il y avait eu un intervalle de vrai sommeil sans doute, dont il ne gardait ni sentiment ni mémoire.

Puis une sorte de réveil ; un baiser âcre et dur, une voix cassée qui disait  :

— Je n’ai jamais aimé que toi : tu ne mourras pas !

Ces paroles lui restaient dans l’esprit ; il les entendait sans cesse comme un obstiné refrain.

Quelle signification avaient-elles ?

Puis encore… Mais qui s’étonnerait de l’absurdité d’un rêve ?

Chacun sait bien d’ailleurs que les impressions reçues dans l’état de veille reviennent troubler le sommeil.

C’était cette hideuse histoire de la vampire d’Uszel, ce cadavre chauve qui vivait de jeunes chevelures.

Lila, la grâce incarnée, l’enchanteresse, Lila était le cadavre.

René la voyait changer dans son sommeil, changer rapidement et passer par toutes les dégradations successives qui séparent la vie exubérante de la mort, — de la mort affreuse, cachant sa ruine au fond d’une tombe.

Cette joue veloutée avait tourné au livide, puis les ossements avaient percé la chair rongée.

Mais pourquoi tenter l’impossible ? Ce que René avait vu, nulle plume n’oserait le dire.

Un fait seulement doit être noté, parce qu’il se rattachait à l’idée fixe de René.

Tandis que s’opérait, sous ses yeux, cette transformation redoutable, la chevelure noire, la splendide chevelure allait se détachant avec lenteur, comme un parchemin collé qui se racornirait au feu.

Il y eut d’abord une sorte de fissure faisant le tour du front et se relevant aux tempes. La peau desséchée grinçait, laissant à découvert un crâne affreux…