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Page:Féval - La Vampire.djvu/123

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LA VAMPIRE

Jean-Pierre fixa sur lui son grand œil bleu qui avait parfois le regard limpide de l’enfance.

— Ah bah ! fit-il.

M. Berthellemot continua :

— Hier, à neuf heures et demie du soir, vous ayez été vu et reconnu tenant conférence avec le traître Georges Cadoudal, dans la rue de l’Ancienne-Comédie.

— Ah bah ! répéta Jean-Pierre. Et si l’on a reconnu le traître Georges Cadoudal, ajouta-t-il, pourquoi ne l’a-t-on pas bel et bien coffré ?

— Je vous mets au défi, prononça majestueusement M. Berthellemot, de sonder la profondeur de nos combinaisons !

Jean-Pierre n’écoutait plus.

— C’est pourtant vrai, dit-il, que j’étais hier au soir, à neuf heures et demie, au carrefour du Théâtre-Brûlé, ou de l’Odéon, si vous aimez mieux. Là, j’ai causé avec M. Morinière de l’affaire qui justement m’amène auprès de vous… Mais j’affirme ne pas connaître du tout le traître Georges Cadoudal.

— Ne cherchez pas d’inutiles subterfuges… commença Berthellemot.

Et comme Jean-Pierre fronçait très franchement ses gros sourcils, le secrétaire général ajouta :

— Je vous parle dans votre intérêt. Il ne faut jamais jouer au fin avec l’administration, surtout quand elle est représentée par un homme tel que moi, à qui rien n’échappe et qui lit couramment au fond des consciences. Vous autres, révélateurs, vous avez l’habitude de vous jeter dans les chemins de traverse pour doubler, pour tripler le prix d’un renseignement. C’est votre manière de marchander ; je ne l’approuve pas.

Pendant qu’il reprenait haleine, Jean-Pierre lui dit d’un air mécontent :

— Avec cela que vous marchez droit, vous, monsieur l’employé supérieur ! Tout à l’heure, vous m’accusiez de conspirer, à présent, vous me prenez pour une mouche !

Berthellemot ne perdit point son sourire d’imperturbable suffisance.

— Nous, c’est bien différent, répliqua-t-il, nous tâtons, nous allons à droite et à gauche, battant les buissons… chacun de ces buissons, bonhomme, peut cacher une machine infernale !

— Alors, dit Jean-Pierre, qui s’installa commodément sur sa chaise, battez les buissons, monsieur l’employé supérieur, et criez gare, quand vous trouverez la machine… Dès que vous aurez fini, nous causerons, si vous voulez.

Tous les hommes très fins ont un geste particulier, une moue, un tic, dans les moments d’embarras mental : Archi-