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Page:Féval - La Vampire.djvu/137

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LA VAMPIRE

— Moi, poursuivit Jean-Pierre, Je ne devinai pas tout de suite, tant j’étais sûr de ma fillette.

— Le bon billet que vous aviez là, mon voisin ! ricana Berthellemot.

Jean-Pierre était pâle comme un mort. Le secrétaire général reprit :

— Ne vous fâchez pas ! Personne ne déplore plus que moi l’immoralité profonde que les mœurs du Directoire ont inoculée à la France, notre patrie. Je comparerais volontiers le Directoire à la Régence, pour le relâchement des mœurs. Il faut du temps pour guérir cette lèpre, mais nous sommes là, mon voisin…

— Vous y étiez, en effet, monsieur le préfet, l’interrompit Jean-Pierre, ou du moins vous y vîntes, car vous sortiez du Veau qui tette avec une dame.

— Chut ! fit le secrétaire général, rougissant et souriant. Certaines gens attachent je ne sais quelle gloriole imbécile à ces faiblesses ; nous ne sommes pas de bronze, mon cher monsieur Sévérin. Etait-ce la présidente ou la petite Duvernoy ? La voilà lancée, savez-vous, à l’Opéra ! Elle me doit une belle chandelle !

— Je ne sais pas, si c’était la petite Duvernoy ou la présidente, répondit Jean-Pierre. Je ne connais ni l’une ni l’autre. Je sais que votre passage détourna mon attention un instant quand je relevai les yeux, il n’y avait plus rien au-dessus de ma tête.

— Le réverbère avait accompli sa traversée ? s’écria le secrétaire général. Vous avez beau dire, c’est drôle. Avec cela, M. Picard ferait une très jolie petite comédie.

Jean-Pierre restait rêveur.

— J’ai pris des notes, poursuivit Berthellemot. Est-ce que c’est fini ?

— Non, répondit le greffier-concierge ; c’est à peine commencé. Je montais notre pauvre escalier d’un pas chancelant. J’avais le cœur serré et la cervelle en feu. Arrivé dans chambre, j’ouvris mon secrétaire pour y prendre une paire de pistolets…

— Ah ! diable ! mon voisin, vous aviez enfin deviné ?

— J’en renouvelai les amorces, et, sans éveiller ma femme j’allai frapper à la chambre d’Angèle.