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Page:Féval - La Vampire.djvu/144

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LA VAMPIRE

demanda le secrétaire général, et pensez-vous réellement qu’ils aient été pour quelque chose dans la machine infernale ?

— La postérité le saura, répliqua Jean-Pierre avec une gravité ironique, à moins toutefois que le temps ne puisse soulever ce mystère. Mais revenons à nos trois jeunes Allemands de la Souabe, le comte Wenzel, le baron de Ramberg et Franz Koënig, qui n’appartenaient nullement à la ligue de la Vertu et n’avaient aucun méchant dessein.

Le comte Wenzel était riche, le baron de Ramberg était très riche, Franz Koënig compte par millions : ce laitage solide, l’albâtre, étant fort à la mode depuis quelque temps…

Le comte Wenzel avait de l’esprit, le baron de Ramberg avait beaucoup d’esprit, Franz Koënig a de l’esprit comme un démon.

— Vous parlez toujours des deux premiers au passé, mon voisin, fit observer le secrétaire général. Est-ce qu’ils sont morts ?

— Dieu seul le sait, prononça tout bas Jean-Pierre. Vous allez voir. J’ai rarement rencontré trois plus beaux cavaliers, surtout le marchand d’albâtre : une figure délicate et fine sur un corps d’athlète, des cheveux blonds à faire envie à une femme.

Du reste, tous les trois braves, aventureux et cherchant franchement le plaisir.

Le comte Wenzel repartit le premier pour l’Allemagne ; ce fut rapide comme une fantaisie. Le baron de Ramberg le suivit à courte distance, et, chose véritablement singulière chez des gens de cette sorte, tous les deux s’en allaient en restant mes débiteurs.

Toute idée fixe change le caractère. J’ai passé ma vie à négliger mes intérêts ; mais je voulais de l’argent pour notre fils de famille : je n’aurais pas fait grâce d’un écu à mon meilleur ami.

J’écrivis au comte d’abord, pour lui et pour le baron. Point de réponse.

J’écrivis ensuite au baron, le priant d’aviser le comte. Même silence.

Notez bien que je les connaissais pour les plus honnêtes, pour les plus généreux jeunes gens de la terre.

Je les aimais. Je fus pris d’inquiétude. J’adressai une lettre à notre chargé d’affaires français à Stuttgard, M. Aulagnier, qui est mon ancien élève pour le solfège. — J’ai des amis un peu partout. — M. Aulagnier me répondit que non seulement le comte Wenzel et le baron de Ramberg n’étaient point de retour à Stuttgard, mais que leurs familles commençaient à prendre frayeur.