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LA VAMPIRE

Dans la chambre voisine, la suite du secrétaire général et les agents de Barbaroux causaient avec animation.

La fausseté de l’ordre signé Bonaparte, dont Jean-Pierre Sévérin avait fait usage, n’était déjà plus un mystère pour personne.

Charlevoy disait :

— Le personnage a de drôles de manières. Si on a à l’emballer, il faut le faire tout de suite, car il a des partisans dans son quartier, et ça occasionnerait une émeute.

— Fouillez-le, ajouta Ezéchiel, et vous trouverez sur lui un cœur, qui prouve comme quoi c’est le chouan des chouans !

Pendant cela, Germain Patou s’occupait de René, toujours endormi.

Jean-Pierre remit l’ordre à M. Berthellemot, qui fit apporter le flambeau et essuya minutieusement son binocle.

Quand il eut retourné le papier dans tous les sens et examiné la signature, il toussa.

La toux même de certains hommes éminents a une signification doctorale.

M. le préfet ne voit pas plus loin que le bout de son nez ! grommela-t-il. Moi, je juge la situation d’un coup d’œil. Il y a là une affaire d’État où le diable ne connaîtrait goutte. C’est bel et bien le premier consul qui a griffonné ces pattes de mouche. Que ferait ce scélérat de Fouché en semblable circonstance ? Il irait à Dieu plutôt qu’à ses saints…

— Mon cher voisin, dit-il à haute voix et d’un accent résolu, en prenant la main de Gâteloup, qu’il serra avec effusion, M. le préfet est mon chef immédiat, mais au-dessus du préfet il y a le souverain maître des destinées de la France… je veux parler du premier consul. Vous témoignerez au besoin de mes sentiments politiques… Quelle est votre opinion personnelle sur cette comtesse Marcian Gregoryi ?

Jean-Pierre fut un instant avant de répondre.

— Monsieur l’employé supérieur, dit-il enfin, prenez une bonne escorte, allez chaussée des Minimes, no 7, et fouillez la maison de fond en comble.

— Sans oublier la serre, ajouta Germain Patou, et, dans la serre, une trappe qui est sous ta troisième caisse, en partant de la caisse du salon : une caisse de Yueca gloriosa.

Jean-Pierre acheva :

— Quand vous aurez fait là-bas votre besogne, monsieur l’employé, vous ne demanderez plus ce qu’est la comtesse Marcian Gregoryi.

— Messieurs, suivez-moi, s’écria Berthellemot, enflammé d’un beau zèle, et songez que le premier consul a les yeux sur nous.