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Page:Féval - La Vampire.djvu/215

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LA VAMPIRE

En quittant la rue Saint-Louis-en-l’Ile, René s’était lancé à pleine course vers le pont de la Tournelle, sans s’inquiéter s’il était suivi.

La fièvre lui donnait des ailes.

Jean-Pierre se faisait vieux et Germain Patou avait de courtes jambes. Quoiqu’ils fissent de leur mieux l’un et l’autre, ils perdirent René de vue aux environs de l’Hôtel-Dieu.

Les agents de M. Berthellemot venaient par derrière, suivis à une assez grande distance par M. Barbaroux, officier de paix, qui était d’humeur pitoyable et nourrissait la crainte légitime d’avoir gagné cette nuit quelque mauvais rhumatisme.

Le jour était désormais tout grand.

En arrivant à l’endroit où ils avaient perdu la vue de René, l’étudiant et Gâteloup se séparèrent, prenant chacun une des deux voies qui se présentaient. Jean-Pierre continua le quai et Patou monta la rue Saint-Jacques.

C’était cette dernière route que René avait choisie, mais il était désormais de beaucoup en avance et Patou ne pouvait plus l’apercevoir.

René s’introduisit, comme nous l’avons vu, à l’aide de la clé qu’il portait sur lui. En entrant de ce côté, la chambre où se trouvait la comtesse Marcian Gregoryi était la troisième.

Sur le guéridon de la seconde une paire de pistolets chargés traînait. La maison, du reste, était pleine d’armes.

René prit en passant un des deux pistolets et l’arma avant d’ouvrir la dernière porte.

Comme Germain Patou atteignait, toujours courant, le haut de la rue Saint-Jacques, il aperçut une grande cohue de peuple massée dans la rue Saint-Hyacinthe. Cette foule était en train de pénétrer dans la maison no 7, où l’on avait entendu un cri d’appel, puis un coup de pistolet.

Germain Patou entra avec les autres.

René était encore debout, le pistolet à la main.

Patou s’agenouilla auprès de la blonde, qui était splendidement belle et semblait dormir un souverain sommeil.

Il lui tâta le cœur.

Le sien battait à rompre les parois de sa poitrine.

— Quelqu’un connaît-il cette femme ? demanda-t-il.

Comme personne ne répondait, il ajouta :

— Qu’elle soit portée à la morgue du Marché-Neuf, qui a ouvert aujourd’hui même.

Puis il dit à René, espérant ainsi le sauver :

— Citoyen, vous allez me suivre.

Son dernier regard fut cependant pour la comtesse Marcian Gregoryi, et il pensa :