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LA VAMPIRE

Germain Patou, esprit chercheur, nature âpre à la besogne, n’avait jamais donné de rendez-vous d’amour.

On frappa à la porte ; Germain ouvrit aussitôt ; la figure ignoble et fûtée d’Ézéchiel parut sur le seuil.

Il était chargé d’un pesant fardeau ; un sac qui semblait plein de paille, mais qui, certainement, à cause du poids, devait contenir autre chose.

— J’ai eu assez de peine, monsieur Patou, dit Ézéchiel. J’ai risqué ma place à la préfecture, et vous savez que c’est fini de rire, là-bas, au quai de Béthune… Vous donnerez trois cents francs.

— Je n’ai que dix louis, répliqua Germain. C’est à prendre ou à laisser.

Les paroles étaient fermes, mais la voix tremblait.

Germain ajouta, en montrant l’armoire vide où se rangeaient naguère ses livres :

— J’ai tout vendu pour me procurer ces dix louis.

Le regard d’Ézéchiel fit le tour de la chambre.

— J’aurais pu avoir autant là-bas, grommela-t-il ; peut-être davantage. Ceux qui font la poule au café de la Concorde, place Saint-Michel, voulaient voir comment elle est faite en dedans… et ils m’auraient payé gros pour lui brûler le cœur.

— Si tu ne la vends pas ici, répondit l’étudiant en médecine, tu ne la vendras nulle pari. Je vais descendre avec toi, et te forcer à la déposer à la Morgue.

Ézéchiel jeta son fardeau sur le lit, qui craqua.

Il reçut les dix pièces d’or et s’en alla de mauvaise humeur.

Quand il fut parti, Germain ferma sa porte à double tour.

Le sang lui vint aux joues et ses yeux brillèrent étrangement. Il alluma le second flambeau qui était sur sa cheminée, puis, ayant placé des bougies dans les goulots de deux bouteilles vides, il les alluma aussi.

Jamais la chambrette n’avait été si brillamment éclairée.

Germain prit dans sa trousse un large scalpel, bien affilé, et fendit le sac dans toute sa longueur. Cela fait, il écarta, de ses deux mains qui frémissaient, la toile ; puis la paille.

Il découvrit ainsi la pâle et merveilleuse beauté d’une jeune femme décédée, qui était la comtesse Marcian Gregoryi.