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Page:Féval - La Vampire.djvu/78

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LA VAMPIRE

— Oui, murmura-t-elle, c’est l’autre. Ne parlez pas. Vous avez eu tort de me suivre. Il ne faut jamais essayer de pénétrer certains secrets. Je vous ai sauvé deux fois, vous êtes guéri, soyez prudent.

Et avant que René pût reprendre la parole, elle lui ferma la bouche d’un geste caressant.

— Vous allez vous lever, poursuivit-elle, et vous habiller. Il est temps de partir.

Elle glissa un regard vers la porte de la bibliothèque qui restait entr’ouverte et ajouta, d’un ton si bas que René eut peine à saisir le sens de ses paroles :

— Vous me reverrez. Ce sera bientôt, et dans un lieu où il me sera permis de vous entendre. En attendant, je vous le répète, soyez prudent. N’essayez pas de questionner celui qui va venir, et soumettez-vous à tout ce qui sera exigé de vous.

La main de René éprouva une furtive pression et il se retrouva seul.

L’instant d’après, un homme entra portant deux flambeaux : René reconnut ses habits sur un siège auprès de son lit.

Il s’habilla avec l’aide du nouveau venu, qui ne prononça pas un seul mot. Il ressentait une grande faiblesse, mais il ne souffrait point. Sa toilette achevée, le silencieux valet de chambre lui tendit un mouchoir de soie roulé en forme de cravate et lui fit comprendre d’un geste qu’il fallait placer ce bandeau sur ses yeux.

— Pourquoi cette précaution ? demanda René, désobéissant pour la première fois aux ordres de sa protectrice.

I cannot speak French sir, répondit l’homme au mouchoir de soie avec un accent guttural qui raviva tout à coup les souvenirs de René.

Ce brave, qui ne savait pas le français, s’était déjà occupé de lui. C’était bien la voix de gosier qui avait donné aux frères de la Vertu ce conseil anglais : « Assommons le maudit coquin ! »

René se laissa néanmoins mettre le bandeau.

L’instant d’après, il montait dans une voiture qui prit aussitôt le trot. Au bout de dix minutes, la voiture s’arrêta.

— Dois-je descendre ? demanda René.

Personne ne lui répondit. Il ôta son bandeau et vit avec étonnement qu’il était seul. Le cocher ouvrit la portière, disant :

— Bourgeois, je vous ai mené bon train de la rue du Dragon jusqu’au Châtelet. La course est payée. Y a-t-il un pourboire ?