Page:Féval - La Vampire.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
LA VAMPIRE

À la porte de la bibliothèque, une tête basanée et coiffée du turban égyptien se montra.

— Qu’est-ce ? demanda le docteur.

— M. le baron de Ramberg, répondit-on, demande à voir la comtesse Marcian Gregoryi.


Le soir de ce même jour, René de Kervoz était rentré dans sa chambre d’étudiant, faible, mais ne se ressentant presque plus de sa blessure.

Il gardait comme un vague et maladif souvenir de certain rêve qui avait occupé toute une nuit de fièvre terrible, puis une journée où le cauchemar avait pris les proportions de l’impossible.

Plus il faisait d’efforts pour éclaircir la confusion de sa mémoire plus le rêve emmêlait ses absurdes péripéties, lui montrant à fois le vivant cadavre d’un jeune homme coiffé de cheveux blancs, un nègre couché dans des fleurs, une femme belle à la folie et souriant dans l’or liquide d’une chevelure de fée, — une trappe ouverte, — un corps humain empaqueté dans un drap.

Puis la mégère qui parlait le latin, puis le Turc qui avait annoncé le baron de Ramberg, puis encore cette femme à la voix pénétrante qui avait dit : « Le comte Wenzel vient de repartir pour l’Allemagne ! »

Il y avait des souvenirs plus récents et plus précis, auxquels on pouvait croire, quoiqu’ils fussent bien romanesques encore.

Vers la tombée du jour, René avait vu tout à coup, au chevet de son lit, dans cette vaste chambre où tous les objets disparaissaient déjà, baignés dans l’obscurité, une femme semblait veiller sur son sommeil.

Une femme au visage calme et doux : front de madone que baignaient les ondes magnifiques d’une chevelure plus noire que le jais.

Cette femme ressemblait à la vision — à l’étrange éblouissement qui avait passé dans le rêve, à la voluptueuse péri dont la tête mutine secouait naguère sa blonde coiffure de rayons.

Mais ce n’était pas la même femme, oh ! certes René le sentait aux battements profonds de son cœur. Celle-ci était elle : l’inconnue de Saint-Germain l’Auxerrois.

Quand René s’éveilla, elle mit un doigt sur sa belle bouche et lui dit :

— On nous écoute, je ne suis pas la maîtresse ici…

— C’est donc l’autre qui est la maîtresse ? interrompit René.

Elle sourit, son sourire était un enchantement.