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LE BOSSU.

» C’est vrai : la joie me rend folle. — Mais je ne suis pas lâche dans la douleur.

» La joie m’enivre. Je ne sais pas ce que c’est que le plaisir mondain et peu m’importe ; ce qui m’attire, c’est la joie du cœur.

» Je suis gaie, je suis enfant, je m’amuse avec tout, hélas ! comme si je n’avais pas déjà bien souffert…

» Il fallut quitter Pampelune, où nous commencions à être moins pauvres. Henri avait même pu amasser une petite épargne et bien lui en prit.

» Je pense que j’avais alors dix ans, ou à peu près.

» Il rentra un soir inquiet et tout soucieux. J’augmentai sa préoccupation en lui disant que, tout le jour, un homme, enveloppé d’un manteau sombre, avait fait sentinelle dans la rue sous nos croisées.

» Henri ne se mit point à table. Il prépara ses armes et s’habilla comme pour un long voyage. La nuit venue, il me fit passer à mon tour un corsage de drap, et me laça mes brodequins. Il sortit avec son épée. J’étais dans les transes. Depuis longtemps je ne l’avais pas vu si agité.

» Quand il revint, ce fut pour faire un paquet de ses hardes et des miennes.