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Page:Féval - Le Bossu (1857) vol 1-3.djvu/456

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LE BOSSU.

au calice de la fleur… Tu n’as jamais pleuré, toi, je parie ; moi, je pleure souvent.

» Je ne savais ce qu’elle voulait dire avec son vieux poëte. — Henri nous appelait. — Elle mit la main sur sa poitrine et s’écria tout à coup :

» — Oh ! que j’ai faim !

» Et je la vis toute pâle.

» Je la pris dans mes bras. Henri mit pied à terre à son tour. Flor nous dit qu’elle n’avait pas mangé depuis la veille au matin. Henri avait un peu de pain qu’il lui donna avec le vin de Xérès qui était au fond de sa gourde.

» Elle mangea avidement. Quand elle eut bu, elle regarda Henri en face, puis moi :

» — Vous ne vous ressemblez pas, murmura-t-elle ; — pourquoi n’ai-je personne à aimer, moi ?

» Ses lèvres effleurèrent la main d’Henri, tandis qu’elle ajoutait :

» — Merci, seigneur cavalier, vous êtes aussi bon que beau… je vous en prie, ne me laissez pas la nuit sur le chemin !

» Henri hésitait, les gitanos sont de dangereux et subtils coquins. L’abandon de cet enfant pouvait être un piège. Mais je fis tant et j’intercédai si bien, qu’Henri finit par consentir à emmener la petite bohémienne.