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LE BOSSU.

sa chère tragédie de Mirame, fille idolâtrée de sa propre muse.

Elle était en vérité trop lourde pour exceller au jeu des vers, cette main qui trancha la tête du connétable de Montmorency. Mirame fut représentée devant trois mille fils et filles des croisés qui eurent bien le cœur d’applaudir. Cent odes, autant de dithyrambes, le double de madrigaux tombèrent le lendemain en pluie fade sur la ville, célébrant les gloires du redoutable poëte, — puis, tout ce lâche bruit se tut. — On parla tout bas d’un jeune homme qui faisait aussi des tragédies, qui n’était pas cardinal et qui s’appelait Corneille.

Un théâtre de deux cents spectateurs, un théâtre de cinq cents, un théâtre de trois mille, Richelieu ne se contenta pas à moins. Tout en suivant la politique pittoresque de Tarquin, tout en faisant tomber systématiquement les têtes effrontées qui dépassaient le niveau, il s’occupait de ses décors et de ses costumes comme un excellent directeur qu’il était. — On dit qu’il inventa la mer agitée qui fait vivre maintenant dans le premier dessous tant de pères de famille, les nuages de gaze, les rampes mobiles et les praticables. — Il imagina lui-même le ressort qui faisait rouler le rocher de Si-