Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/162

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Il était enveloppé d’un long manteau de voyage, laissant voir seulement l’extrémité de ses bottes, armées d’éperons. Le collet de son manteau cachait une partie de son visage. Ce qu’on en voyait était beau et noble : un grand front pur et fier, couronné de cheveux noirs, bouclés légèrement, un regard calme et perçant à la fois, où se lisait l’intelligence ferme et la vigueur d’une mâle volonté.

Il y avait sur tout cela comme un voile de fatigue, et la poussière qui blanchissait le bas du manteau de notre inconnu semblait annoncer une arrivée récente et de longues heures passées sur la grande route.

Il était jeune encore ; sa taille se développait riche et gracieuse sous les plis amples de son vêtement.

À mesure qu’il avançait vers le carrefour du Château-d’Eau, la foule devenait plus compacte et plus impénétrable. Mais notre voyageur avait des coudes robustes et la bonne volonté d’arriver à son but. Il perça droit devant lui à travers la cohue, et le flot murmurant, repoussé à droite et à gauche irrésistiblement, lui ouvrit à contre-cœur un passage. Bien des malédictions se firent entendre autour de lui ; plus d’un parapluie belliqueux se leva par derrière au-dessus de sa tête ; mais il avait une de ces tournures qui imposent à la multitude ; les parapluies retombèrent sans avoir frappé, les malédictions s’étouffèrent ; et quand notre voyageur eut tourné l’angle de la rue du Temple, il ne resta de la clameur soulevée que deux ou trois voix de femme, déclarant qu’il était bel homme et qu’il ressemblait à Mélingue, de l’Ambigu.

Du quartier Bonne-Nouvelle à la rue Popincourt, Mélingue, de l’Ambigu, est le type idéal de la beauté humaine.

Une fois dans la rue du Temple, notre voyageur eut moins de peine à se frayer un chemin. Il y avait encore de la foule, mais raisonnablement, et l’on trouvait place à poser son pied sur le trottoir.

Il se dirigea d’un pas rapide vers le marché du Temple.

Vis-à-vis du marché, la cohue se reformait plus dense, parce que la voie s’encombrait d’éventaires roulants, chargés d’oranges, de pains d’épice et de bijoux en carton doré.

Bien que ce fût un dimanche, et que le jour tirât à sa fin, tous les magasins restaient ouverts. D’innombrables badauds collaient leurs nez aux