Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/233

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Il avait bien souffert en sa vie ; mais ce moment résumait toutes ses tortures passées.

En cet enfant que la mort menaçait, se concentraient tous ses espoirs et tous ses souvenirs.

Mais les années de sa jeunesse et de son âge mûr avaient été une longue lutte contre le malheur ; tout choc, si rude qu’il fût, le trouvait fier et ferme.

Au bout de quelques minutes, il s’arrêta brusquement et se tourna vers son compagnon :

— Et vous ne l’avez pas dissuadé de son dessein ? dit-il.

— Souvenez-vous de vos dix-huit ans, répliqua le marchand d’habits : qu’eussiez-vous répondu à celui qui vous aurait parlé raison, la veille de votre premier duel ?

— J’étais un fou ! murmura le baron.

— C’est le même sang bouillant et superbe qui coule dans ses veines, poursuivit le marchand d’habits ; — Satan lui-même ne le ferait pas reculer d’une semelle !

L’œil de Rodach eut un rapide éclair.

— Tant mieux ! tant mieux ! dit-il comme malgré lui.

Hans poussa un gros soupir, et l’enthousiasme du baron tomba.

Il croisa ses bras sur sa poitrine ; sa botte éperonnée frappa violemment le pavé.

— Il faut pourtant que je le trouve ! reprit-il. J’ai toute une nuit pour cela !

— Moi, je le cherche depuis quinze ans !… murmura le pauvre Hans.

Rodach souleva son chapeau et passa ses doigts dans ses longs cheveux noirs ; puis, tout à coup sa tête se redressa.

— Vous avez parlé d’une leçon d’armes ? dit-il vivement.

— Après son costume de bal, répliqua Hans, c’était ce qui semblait lui tenir le plus au cœur.

— Ne vous a-t-il point dit à quelle salle il comptait se présenter ?

Hans se gratta le front.

— Peut-être, répliqua-t-il ; mais je ne m’en souviens pas.