Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des fronts pâles, des yeux creux, des bouches qui voudraient bâiller, des bouteilles vides sur une nappe souillée…

Et le jour, implacable, pour éclairer toutes ces ruines !

— Morbleu ! dit Franz, on se moque de nous, ici !…

Il tira si violemment la sonnette, que le cordon lui resta dans la main.

Le garçon ne pouvait faire davantage la sourde oreille ; il entra, et Franz lui arracha la carte à payer.

— C’est juste mon affaire ! dit-il en examinant le total.

Il fouilla dans la poche où il avait mis le reste de l’argent de Hans ; sa poche était parfaitement vide. — Les bals masqués sont sujets à ces sortes d’accidents, malgré l’excellente compagnie que l’on y trouve.

Franz demeura très-déconcerté, parce que Julien d’Audemer lui avait déclaré d’avance que sa bourse était restée parmi ses bagages.

Julien l’observait du coin de l’œil et devinait son embarras. Tout en balbutiant des paroles d’amour à l’oreille de sa belle conquête qui ne l’écoutait plus guère, il tremblait à la pensée du ridicule menaçant.

Machinalement, et comme on fait dans les cas extrêmes, Franz cherchait dans son autre poche où il était bien sûr de n’avoir rien mis. Le garçon commençait à le considérer avec inquiétude. L’enseigne faisait mine d’être tout entier à son domino bleu et de ne rien voir.

Franz cependant trouvait quelque chose au fond de la poche qu’il croyait vide. Un étonnement profond remplaçait l’embarras qui était naguère sur son visage.

Il retira sa main, et, avec sa main, une bourse pleine de pièces d’or.

C’était une étrange bascule. Tandis qu’on l’avait dévalisé d’un côté, de l’autre on l’avait enrichi.

La surprise de l’enseigne fut presque aussi grande que celle de Franz.

— On nous a fait des cadeaux, à ce qu’il paraît, pensa-t-il gaiement ; — voyons le mien !…

Il plongea sa main dans sa poche en riant et n’y trouva rien, sinon un petit morceau de papier où quelques mots étaient griffonnés au crayon.

Il rit plus fort et tâcha de déchiffrer ces caractères effacés à demi. Mais, en lisant, il devint pâle, et ses sourcils se froncèrent avec violence.

— Qu’est cela ? demanda le domino bleu.