Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/31

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noncé bien des fois le nom de Regnault. — Ce nom revint bien des fois encore dans l’entretien des jeunes voyageurs.

Quand le chevalier se présenta pour accomplir sa visite quotidienne, M. d’Audemer le reçut d’un visage froid et sévère. — Cette matinée lui avait appris à la fois le présent et le passé de l’aventurier audacieux qui avait escamoté sa confiance.

La noble famille de M. le chevalier de Regnault tenait une échoppe au marché du Temple, à Paris ; Jacques Regnault, mal noté dans l’enfance parmi les petits industriels de cette foire permanente, avait déserté un beau jour la masure paternelle, ayant soin d’emporter avec lui toutes les économies de la maison.

Son père était vieux ; il mourut avant de s’être relevé de cette perte. — Depuis lors, sa mère, ses frères et ses sœurs continuaient de végéter dans une misère qui était son ouvrage.

Il est juste de dire que le chevalier ne savait rien de tout cela. Il avait trop de chose à faire, vraiment, pour s’occuper de sa famille !

C’était sa mère qui était venue le matin dans le cabinet du vicomte.

Quant aux trois voyageurs, on les nommait Olto, Albert, Goetz ; c’étaient les fils d’Ulrich de Bluthaupt et les frères d’Hélène.

Ils avaient révélé au vicomte ce qu’ils savaient du meurtre de leur père ; ils lui avaient dit les noms des assassins, et, parmi ces noms, se trouvait celui de Regnault.

Cet homme, que Raymond avait appelé son ami, était un voleur, un espion de police, un meurtrier et presque un parricide !

Le vicomte ne sut point retenir son indignation. Regnault sortit chassé honteusement, mais fort satisfait en définitive, car il avait craint quelque chose de pire.

Une heure après, il quitta Paris, ne laissant derrière lui aucune trace.

Quand M. d’Audemer voulut s’assurer de sa personne, il était trop tard.

Le prétendu dépôt fait chez un banquier de Francfort était, bien entendu, un mensonge. Il ne fallut pas plus de deux fois vingt-quatre heures à M. d’Audemer pour se convaincre qu’il était entièrement dépouillé.