Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/445

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et si vous m’aviez laissé faire, Monsieur serait déjà au bas de l’escalier…

— Je vous donne un quart d’heure, mon jeune Monsieur, répondit Rodach, pour chanter la palinodie et remercier don José Mira des paroles qu’il vient de prononcer… Quant à être bref, ajouta-t-il en se tournant vers ce dernier, tout ce que je puis vous promettre, c’est d’y faire mes efforts, car nous avons plus d’un compte à débrouiller ensemble… Avant de commencer, je vous prie de ne point vous formaliser si je prends la liberté de m’asseoir.

Il n’y avait point de sièges dans la petite chambre où se trouvaient les trois associés. Rodach rentra dans la pièce principale, et se dirigea vers le foyer, entouré d’excellents fauteuils.

Les associés restèrent seuls durant une seconde, et Rodach put les entendre chuchoter vivement. Lorsqu’ils entrèrent à leur tour, M. le chevalier de Reinhold avait pris un sourire tout affable ; Abel de Geldberg n’avait plus l’air impertinent qu’à moitié ; il n’y avait que le docteur Mira qui n’eût point changé de physionomie.

Dès l’abord, il avait senti ce qu’il y avait d’imprudent et de dangereux dans la conduite de son jeune associé. Cet inconnu qui arrivait ainsi à l’improviste, lui inspirait de graves inquiétudes, qu’il venait de faire partager à ses compagnons. La réserve et la prudence étaient désormais à l’ordre du jour.

Rodach s’était laissé tomber dans un fauteuil, au coin du feu.

— Mille fois pardon. Messieurs, reprit-il, si j’en use ainsi à mon aise… mais j’ai fait une longue route hier et je n’ai point fermé l’œil cette nuit… je suis bien las !… Veuillez vous asseoir et m’écouter : j’ose espérer que nous allons parfaitement nous entendre.

Il s’arrangea commodément dans son fauteuil et approcha du feu ses grosses bottes de voyage.

Les trois associés prirent place ; ils s’apercevaient vaguement que l’étranger, si mal accueilli d’abord, gagnait peu à peu le dessus. Ils étaient chez eux, et avant que cet homme eût parlé seulement, il s’emparait, pour ainsi dire, de la présidence, ne leur laissant qu’un rôle secondaire.

Il était à l’aise, et le trouble était pour eux.

Deux minutes ne s’étaient pas écoulées depuis qu’on avait agité la