Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/491

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son absence de préjugés, n’a que des dettes. Madame la comtesse Lampion est riche, mais sa fortune ne nous regarde pas. Quant au vieux Moïse, je ne sais trop que dire ; il y a autour de lui un mystère que je n’ai point deviné… Cette solitude où il se confine doit cacher quelque chose, — mais que cache-t-elle ?

» J’ai acquis la certitude que personne, dans la maison, n’en sait plus long que moi à ce sujet ; ses employés, son fils, ses filles partagent la même ignorance.

» En tout cas, quel que soit son secret, il est évident que la maison ne peut point compter sur lui.

» Et la caisse sociale est vide… Je pense que vous me comprenez ?…

— Je commence… veuillez achever.

— Mon Dieu ! il ne me reste pas grand’chose à ajouter, sinon que madame de Laurens me doit une somme énorme, et qu’avec l’adresse je puis la recouvrer.

— Après…

— La somme recouvrée, je me trouve riche vis-à-vis de mes associés pauvres… vous arrivez menaçant ; moi seul je possède les moyens de vous satisfaire… il est évident que si nous nous liguons, la maison est entre nos mains.

— C’est vrai, dit Rodach ; — mais n’est-elle pas déjà entre les miennes ?

— Permettez !… Je puis avoir mon argent dans quelques jours… Si la maison solde votre compte, vous perdez en réalité la seule arme qui puisse nous faire peur ; car, soit dit entre nous, monsieur le baron, les secrets que vous avez pu surprendre sont graves… mais il y a bien longtemps que tout cela est passé !… mais le château de Bluthaupt est bien loin de Paris, et il faudrait des preuves…

— J’ai des preuves, interrompit le baron ; — quelque part dans Paris, j’ai déposé ce matin une petite caisse apportée d’Allemagne, et qui contient de quoi vous faire monter tous les trois sur l’échafaud, messieurs les associés de Geldberg.

Le docteur recula instinctivement sur son fauteuil, et attacha sur Rodach son regard épouvanté.

Celui-ci n’avait jamais montré un visage plus calme.