ment d’une passion non combattue, Otto semblait vouloir résister au sentiment qui l’emportait. On eût dit qu’il avait des remords. C’était de son côté que venaient ces retours bizarres qui agitent d’ordinaure les liaisons amoureuses, et qu’amènent les scrupules de la femme.
Otto avait la beauté d’un jeune homme. Pas une ride à son front, pas un fil d’argent parmi la brune abondance de sa chevelure ; sa taille était fière et souple ; son regard lui-même avait gardé des étincelles vives que l’âge mûr éteint ou assombrit.
Mais l’apparence ne peut changer le fait. Otto avait dépassé les limites de la jeunesse. Vingt ans de labeurs et de peines le séparaient des jours de son adolescence. Il aurait pu être le père de Lia.
Et son amour pour la jeune fille avait, en de certains moments, quelque chose de paternel. Il se le disait du moins ; il cherchait à se tromper lui-même et mettait un voile volontaire au-devant de sa passion ; comme s’il avait eu frayeur d’en mesurer les progrès.
C’était un sentiment fantasque et sujet à se transformer, comme tout sentiment combattu ; il avait des froideurs soudaines et des élans fougueux, que nulle force n’aurait pu comprimer.
Lia ne comprenait rien, la pauvre fille, à ces brusques intermittences. Son amour à elle était de toutes les heures et de toutes les minutes. Elle pensait à Otto toujours ; et comme il n’y avait rien en son âme qui ne fût virginal et pur, son âme ignorait le remords.
Elle aimait naïvement et saintement, sous l’œil de Dieu à qui elle confiait sa tendresse.
Parfois, elle revenait du rendez-vous de la montagne avec des larmes dans les yeux ; elle avait vu Otto triste et sévère ; elle avait essayé en vain de réchauffer sa glaciale froideur. D’autres fois, tout le long de la route, elle avait le sourire aux lèvres ; son cœur ne pouvait point contenir la joie qui le comblait.
Otto avait parlé d’amour, et dans la bouche d’Otto les paroles d’amour brûlaient comme un feu comprimé qui éclate.
D’autres fois encore, la jolie tête de la jeune fille s’inclinait pensive et courbée, sous le poids de la méditation. Son cheval errait à l’aventure ; elle ne voyait point les aspects connus du chemin ; elle arrivait à la porte