Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/583

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de la maison de sa tante, sans avoir la conscience de l’espace parcouru ni du temps écoulé.

C’est que, en ces heures de recueillement, elle repassait dans sa mémoire les paroles d’Otto, qui lui avait montré un coin de son cœur rempli de tristesse. Elle ne savait pas le secret du proscrit, mais elle devinait en lui la longue souffrance, la résignation héroïque et la force vaillante qui ne sait point désespérer.

Il portait haut sa tête, environnée de périls ; il avait un chemin tracé qu’il suivait sans frayeur ni retard ; si la mort se présentait en travers de la route, il donnait son cœur à Dieu et il marchait en avant.

Il y avait dans l’âme de Lia autant d’admiration que d’amour.

Otto, lui, s’accusait bien souvent de faiblesse et de lâcheté ; il avait consacré sa vie à l’accomplissement d’une tâche, et il se disait que chaque heure perdue était une trahison sans excuse.

Il se disait encore que, pour toute cette tendresse ardente et dévouée de la jeune fille, il n’avait à donner qu’une part de son cœur.

Son cœur n’était plus à lui ; un devoir impérieux réclamait tous ses instants, et l’amour ne pouvait avoir en son âme qu’une place incessamment contestée.

Il était pauvre, il était proscrit ; l’âge, dont sa tête hautaine supportait encore le poids ennemi, allait incliner son front bientôt ; sa main était vouée à l’épée et il y avait du sang dans l’œuvre qu’il poursuivait.

Que venait-il troubler la vie heureuse et pure de cette douce enfant ?

Sa destinée était une tempête ; oserait-il bien couvrir de nuages sombres l’avenir souriant et serein de Lia ?

Il voulait fuir, fuir bien loin et à toujours…

Mais, pour la première fois, sa volonté robuste s’amollissait et fléchissait. Quelque chose de plus fort que lui-même l’arrêtait vaincu ; lui qui n’avait jamais connu d’obstacles en sa vie, il demeurait engourdi par une influence inconnue.

Il restait ; il montait à cheval et galopait vers la montagne, où l’attendaient un baiser et un sourire…

Il aimait. C’était son premier amour. Jusqu’alors, son existence rem-