Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/591

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Il prononça ces mots d’une voix grave et ferme.

Dans la chambre de Lia, les deux fenêtres laissaient parvenir encore un reste de jour ; mais une fois que le baron eut franchi la porte, il se trouva dans un couloir où régnait déjà une obscurité complète.

Il se dirigea au hasard dans cette nuit profonde, et bientôt sa main étendue, se heurta contre une muraille qui fermait le corridor de ce côté.

Au delà de cette muraille, il entendait comme un bruit sourd et régulier qui semblait s’approcher lentement.

On eût dit un pas pénible, gravissant les marches roides d’un escalier.

Rodach tourna le dos : il n’avait ni le temps ni l’envie de découvrir la cause de ce bruit.

Mais à peine avait-il fait cinq ou six pas dans une direction nouvelle, qu’il se retourna brusquement ; une porte s’était ouverte derrière lui, à l’endroit même qu’il venait de quitter.

Le corridor était éclairé maintenant par une lueur assez vive, et une apparition bizarre se montra aux yeux de Rodach.

Il aperçut devant une petite porte voûtée, qui restait encore ouverte, un vieillard tout tremblant et caduc, emmailloté dans une grande houppelande, que bordait une fourrure pelée.

Pardessus la fourrure, s’agrafait un petit manteau court dont le collet droit rejoignait une énorme casquette de peau, à visière en éteignoir.

L’apparition ne dura qu’une seconde, mais elle était trop étrange pour qu’on pût l’oublier.

La lumière, qui éclairait maintenant le corridor, provenait d’une lanterne que le vieillard tenait à la main. Il portait des lunettes bleues qui ne l’empêchaient probablement pas de voir, car il aperçut tout de suite le baron de Rodach, et souffla précipitamment sa lanterne.

La nuit régna de nouveau dans le corridor.

Rodach entendit des mouvements dans l’ombre ; un bruit de portes qui s’ouvraient et se refermaient. Puis le silence se fit.

Rodach restait à la même place, surpris et tout pensif.

— Ce doit être Mosès Geld en personne ! murmura-t-il.

Il revint sur ses pas en tâtonnant, et tâcha de retrouver la porte basse ; mais il sentit partout le mur.