Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/627

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bères, Franz, traversant la place d’un pas rapide et se glissant dans une obscure allée.

Petite était une femme forte, et ces frayeurs vulgaires qui ont coutume d’arrêter son sexe ne la gênaient nullement : elle avait intérêt à joindre Franz, et sans la voix de l’idiot Geignolet qui vint jeter sa monotone chanson dans les ténèbres de l’allée, Petite se fût engagée intrépidement dans cette route inconnue.

Le chant de l’idiot arrêta son premier mouvement. Était-ce bien Franz d’ailleurs ? Ces lueurs vacillantes qui tombent des réverbères sont sujettes à tromper. Comme elle hésitait, son regard se tourna vers le bâtiment de la Rotonde et ses yeux demeurèrent fixés sur un point lumineux qui brillait dans l’ombre du péristyle.

Elle n’hésita plus ; on eût dit que cette lumière aperçue l’attirait comme un aimant.

Elle traversa la place et s’arrêta devant la boutique du bonhomme Araby…

Au moment où elle collait son œil aux fentes de la devanture, un équipage élégant débouchait au carrefour du Château-d’Eau et s’engageait dans la rue du Temple. Le cocher arrêta ses fringants chevaux à la hauteur de l’église Sainte-Élisabeth ; le laquais abaissa le marche-pied et un homme dont le costume disparaissait sous un manteau en caoutchouc descendit sur le trottoir.

— Attendez-moi, dit-il.

Le laquais referma la portière et se promena de long en large devant l’église. Le cocher, infatigable dormeur comme tous ses pareils, s’arrangea sur son siège et entama un somme.

Le maître remonta le trottoir durant quelques pas et tourna l’angle de la rue Vendôme.

Il était vêtu comme un jeune homme, et la coupe écourtée de son imperméable dénotait de sérieuses prétentions à l’anglomanie. Sa démarche voulait être vive et leste. Sous les petits bords de son chapeau, on voyait briller les boucles d’une abondante chevelure. On ne voyait que cela, parce que les collets de son caoutchouc, relevés britanniquement, cachaient la majeure partie de son visage.