Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/642

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hautes maisons à la physionomie indigente, où s’entassent, du rez-de-chaussée aux combles, de pauvres familles de brocanteurs.

L’allée noire marquée par une lanterne occupait à peu près le centre de ces maisons[1].

Au-dessus de la porte de l’allée, les lueurs réunies des réverbères et de la lanterne éclairaient faiblement un tableau de moyenne grandeur, où l’on voyait, sur un fond enfumé, quatre hommes habillés en dragons, à cheval sur une longue bête qui n’a point de nom dans l’histoire naturelle.

C’étaient les Quatre fils Aymon.

Au-dessous, l’enseigne portait :

Commerce de vins, bière, eau-de-vie. — Billard public. — Jardin et Jeu de Siam au fond de la cour.

Reinhold et Johann s’étaient arrêtés vis-à-vis de l’enseigne, dans l’ombre du péristyle.

— Au cas où nous ne trouverions pas là ce qu’il nous faut, dit Johann, je veux être pendu si je sais où le chercher !

— Comment faire pour s’en assurer ? répliqua Reinhold ; ici, on ne peut pas regarder à travers les vitres.

Comme le cabaretier ouvrait la bouche pour répondre, un pas lourd et lent se fit entendre sous le péristyle, du côté du corps-de-garde. En même temps, de l’autre côté de la place, on ouït des lambeaux d’un air fameux, répétés à l’unisson par deux voix masculines, puissamment enrouées.

— Allons-nous-en, murmura le chevalier, dont le premier mouvement appartenait toujours à la prudence.

— Du diable ! murmura Johann au lieu de répondre, — il me semble que je connais ces deux voix-là

Les deux voix hurlaient :

La ri fla fla fla
La ri fla fla fla —
La ri fla ! — fla fla !

  1. Le cabaret des Quatre Fils Aymon existe réellement aux environs du marché du Temple, avec la spécialité que nous lui donnons ; mais il n’est peint situé sur la place de la Rotonde, et porte un autre nom, bien connu dans le quartier. — Des raisons de convenance nous ont engagé à ne point le désigner d’une manière plus précise.