Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/647

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Johann respira ; il avait cent livres de moins sur le cœur.

— Et de trois, s’écria-t-il en revenant vers le chevalier ; voilà deux lapins qui n’ont pas leurs pareils dans toute la ville !

— Sont-ils aussi Allemands ? demanda le chevalier qui songeait toujours à Fritz.

— Le diable sait leur pays, répondit Johann ; ce qui est certain, c’est qu’ils parlent l’allemand, car j’ai causé souvent avec eux… Je crois qu’ils ont fait autrefois le grand chemin sur les frontières de l’Alsace.

Le chevalier se recula instinctivement.

— Eh bien ! s’écria Johann sincèrement étonné, — cela vous fait peur ?… Ne croyez-vous pas que j’allais vous choisir des prix Monthyon ?

— C’est juste… balbutia Reinhold.

— Diable ! oui, Bausse, c’est juste, répéta le cabaretier ; si j’avais su que ces deux bons garçons étaient à Paris, je ne me serais pas tant fait prier quand vous m’avez proposé la chose… Mais je les croyais au bagne.

Reinhold fit un second haut-le-corps.

Johann souffla dans ses joues.

— Ma parole, dit-il, je ne vous comprends pas !… Vous cherchez, et quand vous avez trouvé, vous faites la petite bouche !

— Du tout, balbutia Reinhold en dissimulant de son mieux ses répugnances, — je suis fort content… mais dites-moi un peu quels sont ces deux hommes ?

— C’est Castor et Pollux, répondit Johann, qui lisait volontiers du papier à la livre et possédait en conséquence une certaine teinture de la mythologie ; — c’est Damon… et l’autre !… Ceux-là ont fait leurs preuves, voyez-vous, et ce ne sont pas des trembleurs comme les filous du Temple. Avec de l’argent, vous en aurez tout ce que vous voudrez… Le chef de la communauté s’appelle Mâlou, dit Bonnet-Vert, un souvenir de Brest ; l’autre a nom Pitois, dit Blaireau, auquel il ressemble… Ils ont passé devant le jury l’un portant l’autre une demi-douzaine de fois, et si je les croyais au bagne, c’est que leur dernière condamnation emportait les travaux forcés à perpétuité.

— Pour cause de meurtre ? demanda le chevalier.

— Comme vous dites, répliqua Johann ; — ils se seront évadés, car je