Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/705

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avait foi ; il croyait au dévouement de la jeune fille. Il y croyait jusqu’à placer sur cette chance fragile tous ses espoirs d’avenir.

Et il venait vers elle lui dire tout son cœur ; et il était heureux par avance, rien qu’à la pensée de ce qu’il allait confier et de ce qu’il allait apprendre.

Pourtant il n’y avait rien eu de nouveau entre lui et la jolie fille de Hans Dorn. Quelques paroles rapides, échangées tout bas, à la suite desquelles il avait dit : Je reviendrai…

En était-ce assez pour que Gertraud pût savoir tout ce que Franz espérait d’elle ?

Peut-être. — Franz ne doutait de rien et il ne s’était jamais senti si joyeux.

Quand il monta l’escalier de Hans Dorn, il y avait longtemps déjà que le marchand d’habits était sorti sans dire à sa fille où il se rendait. Gertraud était seule dans la chambre d’entrée. Le bruit mystérieux entendu par Jean Regnault sur le carré n’avait pas encore commencé.

Gertraud brodait, suivant son habitude. Elle était assise auprès d’une petite table qui supportait sa lampe et tous les menus ustensiles nécessaires à son ouvrage. Mille pensées riantes ou mélancoliques se succédaient en elle et mettaient leur reflet tour à tour sur son gentil visage.

Elle n’avait pas revu Jean depuis le matin. Le plus souvent elle songeait à lui ; ses traits prenaient alors une expression attendrie. Elle aimait Jean d’un amour sérieux, profond, sincère, — et Jean était si malheureux !

Mais elle avait seize ans. La tristesse ne s’obstine point à cet âge et s’enfuit au premier vent de gaieté. Elle croyait d’ailleurs que les cent vingt francs, fruit de son économie, auraient suffi à la mère Regnault pour apaiser ceux qui la poursuivaient.

De temps en temps, sur son front qui s’inclinait, rêveur, un rayon vif passait. Sa tête se relevait. Un éclair souriant s’allumait dans son œil.

C’était bien alors la petite espiègle que nous avons vue aux premiers chapitres de cette histoire, la joyeuse et bonne fille, au cœur ouvert, à l’âme franche ; c’était encore la malicieuse enfant, amante du rire et guettant la joie au passage.