Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/706

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En ces moments où son front s’éclairait, où ses yeux brillaient et jetaient leur voile de mélancolie, son regard se portait toujours vers la porte d’entrée. Elle attendait quelqu’un, et ce quelqu’un tardait au gré de son impatience.

Enfin elle entendit un pas dans la cour, puis dans l’escalier.

— Je savais bien !… murmura-t-elle en souriant avec triomphe.

Jusqu’alors, elle n’avait point eu l’idée de chanter ; mais cri ce moment elle activa sa broderie et entama un couplet au hasard.

On frappa. Elle continua de chanter.

On frappa plus fort.

— Petite Gertraud, dit en même temps une voix de l’autre côté de la porte, — je vous entendrai bien mieux quand vous aurez ouvert.

La jeune fille s’interrompit en un éclat de rire.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle sans se lever encore.

La voix du dehors prit un accent piteux et en même temps moqueur.

— Mam’selle Gertraud, répondit-elle, je suis le pauvre Jean votre voisin, et je viens…

— Chut ! s’écria la jeune fille, qui se leva rougissante.

— Je veux bien me taire, reprit encore la voix ; mais, si vous n’ouvrez pas, je vous joue la Parisienne sur mon orgue de Barbarie !

Gertraud ne riait plus. Son front était pourpre. Il y avait dans ses yeux une étincelle de colère.

Elle ouvrit cependant. Franz fit son entrée ordinaire et la baisa sur les deux joues à la fois, en riant de son mieux.

Gertraud se recula toute sérieuse.

— Mon père n’est pas là, monsieur, dit-elle.

— Tant mieux ! s’écria Franz, qui referma la porte ; — mon ami Hans serait de trop entre nous deux ce soir, petite Gertraud… nous avons tout plein de secrets à nous dire.

— Pas moi, du moins, répliqua la jeune fille qui baissait les yeux et dont le joli visage gardait une expression de rancune.

— Vrai ?… dit Franz désappointé.

— Bien vrai, monsieur.

Franz perdit son sourire et resta devant elle les bras pendants.