Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/711

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» Mais au moment où j’allais relever la tête, une larme brûlante tomba sur mon front.

» — Dites-moi tout, reprit-elle, je ne sais pas comment vous m’avez devinée ; mais c’est bien vrai, mon Dieu ! je l’aimais !… oh ! je l’aimais, et je n’aimerai jamais que lui !

» — Dieu merci ! ma chère demoiselle, m’écriai-je en relevant la tête cette fois, — pour entendre ce que vous venez de dire, je suis bien sûre que M. Franz se battrait encore demain matin de grand cœur ! »

— Vous êtes un bon petit ange, Gertraud, interrompit Franz, qui trépignait sur sa chaise ; — et que fit Denise ?

— Elle n’osa pas comprendre tout de suite, poursuivit la jeune fille, tant elle avait peur de se tromper !… peu à peu, tandis qu’elle m’interrogeait timidement du regard, une nuance rose revenait à sa joue… cela me réchauffait le cœur.

» Je la regardais en souriant et je devinais la question qui se pressait sur sa lèvre.

» — Ma chère demoiselle, dis-je, et je n’ai jamais prononcé une parole avec tant de plaisir, — j’ai vu M. Franz depuis son duel.

» — Il vit ?… s’écria-t-elle.

» Puis elle ajouta précipitamment :

» — Et n’est-il point blessé ?

» Après ma réponse, elle demeura un instant silencieuse et recueillie ; elle avait les mains jointes, elle remerciait Dieu.

» Si vous saviez, monsieur Franz, comme elle était belle !…

» Je lui dis alors ce que je connaissais de votre duel ; je lui dis qu’elle était votre unique pensée, et que si j’étais venue, c’était sur votre prière…

» Elle était heureuse. À mesure que je parlais, je voyais de fraîches couleurs revenir à sa joue ; la trace des larmes récentes s’effaçait autour de ses beaux yeux.

» Sa joie était celle d’un enfant. Elle m’embrassait comme si j’eusse été sa sœur. Elle admirait ma broderie. Elle trouvait l’air doux, le ciel brillant…

» Tout lui servait de motif à se montrer contente !