Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/712

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» Puis, tout à coup, son front se rembrunit légèrement.

» — Mon pauvre frère ! murmura-t-elle ; il est arrivé de ce matin et je ne l’ai pas encore embrassé… mon Dieu ! cette crainte me rendait folle…

» Elle me quitta pour réparer le temps perdu auprès de son frère, et lui payer sa dette de caresses. »

— Et en partant, demanda Franz, elle n’a rien dit pour moi ?

Gertraud se retint de rire et prit un petit air scandalisé.

— N’est-ce donc pas assez, monsieur ? dit-elle.

— Oh ! si, répliqua Franz, que de grâces j’ai à vous rendre, Gertraud, ma bonne petite sœur !

Pendant tout le récit de la jeune fille, Franz était resté silencieux. Une émotion profonde et sérieuse avait remplacé le caractère sémillant et léger de son visage. Durant quelques secondes encore, il se recueillit en lui-même pour savourer la plénitude de sa joie. Mais cela ne pouvait durer ; sa nature pétulante voulait s’agiter et s’épandre au dehors.

— Merci, petite sœur, dit-il en approchant sa chaise de celle de Gertraud, et en redonnant à ses traits leur expression de gaieté vive ; — je vous aime dix fois plus qu’il ne faut, voyez-vous, pour avoir le droit de m’appeler votre frère… Que vous êtes gentille et bonne !… laissez-moi baiser ces petites mains qui ont réchauffé les siennes !

Gertraud n’y voyait point de mal.

Mais Franz, après avoir baisé les deux petites mains, ensemble et l’une après l’autre, mit ses lèvres sur le Iront de la jeune fille, qui rougit cette fois et s’esquiva.

— Ne craignez rien, ma sœur, dit Franz, qui, pour le moment, était sentimental ; — c’est la place où tomba cette larme… vous savez ?

Gertraud éclata de rire et revint s’asseoir.

— Et vous, reprit-elle, qu’aviez-vous donc de si intéressant à me dire !

— Oh ! moi, dit Franz, dont la physionomie mobile se transforma encore une fois ; — c’est toujours la suite de mon histoire fantastique… Je crois, ma parole d’honneur, que je vais devenir un personnage d’importance !… Vous souvenez-vous bien de mes aventures de cette nuit, Gertraud ?