Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/714

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Dauphine, et j’allais demander la clef de ma petite chambre à la portière. Tout en tournant le bouton de la loge, je me reprochais une omission grave : n’avais-je pas oublié de retenir un autre appartement !…

Franz haussa les épaules avec une fatuité si bonne et si naïve, que personne n’aurait pu la lui imputera mal. Il se posait ici en Mondor dans cette même chambre où il était entré, la veille, avec sa garde-robe entière sous le bras.

Et il parlait de folies prodigues, de meubles rares, de chevaux ; et il s’excusait presque de n’avoir point loué un palais pour abriter sa jeune opulence…

Mais tout cela était dit si gaiement et de si bonne foi ; le rire qui accompagnait ces forfanteries était si franc, la bouche d’enfant qui les prononçait était si rose et si charmante !

Il en est des paroles comme de certaines parures qui enlaidissent la laideur et qui font rayonner la beauté.

La petite Gertraud était à mille lieues de ces réflexions. L’impression qui les faisait naître n’existait même pas en elle ; Franz aurait pu pousser ses énormités au centuple, sans la choquer le moins du monde. Elle écoutait de tout son cœur, affriandée par la bizarrerie mystérieuse du premier récit de Franz. S’il y avait en elle un autre sentiment que la curiosité, c’était d’abord beaucoup d’intérêt pour le conteur, et un peu d’impatience excitée.

Elle était comme ces lecteurs impitoyables qui maugréent contre le romancier, chaque fois que le drame se ralentit et que la passion prend haleine.

Elle attendait.

— Et, sans appartement, reprit Franz, où diable mettre mes meubles de Monbro ?

» Mais j’étais fatigué ! continua maître Franz ; — chaque jour a son travail… je pensais que je pouvais remettre la chose à demain.

» J’entrai. Au lieu de me laisser prendre la clef, comme à l’ordinaire, ma concierge, qui est une femme d’importance et qui ne m’avait témoigné jusqu’alors qu’un intérêt légèrement dédaigneux, où perçait le sentiment de son immense supériorité, ma concierge quitta son fauteuil de