d’entretien. Elle semblait s’intéresser à tout, aux bals promis, aux parties de chasse, aux longues courses dans les montagnes sauvages qui entouraient, disait-on, le vieux château de Geldberg.
La vicomtesse ne la reconnaissait plus. Parfois, elle était tentée d’attribuer cette charmante humeur de Denise à l’arrivée de son frère Julien ; mais cette cause était un peu bien naturelle pour une observatrice aussi subtile que madame la vicomtesse d’Audemer. Son expérience ne lui permettait pas d’envisager les choses à un point de vue si commun ; elle aimait mieux expliquer le fait par quelque chose d’inconnu : le vent, les nerfs, la fantaisie…
Et, du fond du cœur, elle répétait son exclamation favorite :
— Ah ! les jeunes filles ! les jeunes filles !…
Cette exclamation, la vicomtesse en abusait bien un peu, mais n’était-elle pas excusable ? Quand on a trouvé comme cela un mot puissant, profond, universel, répondant à tout, expliquant tout, s’adaptant aux cases les plus anguleuses de la discussion, touchant le joint des plus difficiles problèmes, et valant à lui seul deux ou trois systèmes de philosophie, on peut bien s’y attacher sans crime.
Un mot de cette sorte dispense de réfléchir et de craindre ; c’est un doux oreiller sur lequel l’esprit paresseux se repose.
On y doit d’autant plus tenir, à ces formules précieuses, que le nombre en est assez limité. Nous pourrions les compter.
À part les jeunes filles ! les jeunes filles ! il y a les femmes ! les femmes ! ceci à l’usage des vieux garçons ; il y a les enfants ! les enfants ! à l’usage des maîtres d’étude ; il y a la sottise ! la sottise ! à l’usage du rapin refusé au salon, du comédien sifflé, de l’auteur chuté, du candidat vaincu et de l’écrivain soi-disant littéraire que le public ingrat s’obstine à ne point admirer.
En obliquant un peu, soit à droite, soit à gauche, on arrive dans ce même ordre d’idées à des résultats vraiment sublimes. Qui n’a connu en sa vie quelqu’un de ces bonnes gens possédant une clef politique pour toutes les énigmes de l’histoire ? Il y a mieux encore : le roi des généralisateurs est cet hidalgo qui fait un crime des mauvaises récoltes à la révolution de 89, ou cet épicier de génie qui met les inondations, la