Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/752

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du lit de son père, et par Jean Regnaud sur l’escalier, se taisait maintenant. Seulement, il semblait à Jean que quelqu’un essayait d’ouvrir en dedans le bûcher de Hans Dorn.

Il allait sortir pour examiner de nouveau, et tâcher de découvrir enfin la nature de ce bruit, lorsqu’un autre incident attira insensiblement son attention.

L’escalier envoyait à l’intérieur un vent froid et vif. La porte que Gertraud avait crue refermée derrière elle battait et s’entrouvrait à chaque instant davantage. Par cette issue des chuchotements vagues parvenaient aux oreilles de Jean.

Ce fut d’abord un murmure confus, puis Jean crut distinguer la voix d’un jeune homme.

Un premier élancement de jalousie lui blessa le cœur ; ses yeux brûlèrent ; ses veines eurent froid ; il avait besoin de toute sa force pour ne point se retourner et jeter un regard en arrière.

Il résistait pourtant et demeurait immobile. Mais Gertraud cherchait en vain, parmi les nombreuses dépouilles entassées dans le cabinet, un costume complet et convenable. Elle s’impatientait, et, comme toujours, l’impatience, loin de l’avancer, retardait sa besogne.

Elle ne revenait point. Jean Regnault entendait toujours derrière lui ces chuchotements accusateurs. La fièvre lui montait au cerveau. Des visions jalouses passaient devant ses yeux.

En un moment où sa volonté défaillait, et où il n’était plus retenu que par un vague instinct de docilité, il crut ouïr le son d’un baiser.

Il tressaillit, comme si un aiguillon vif lui eût percé la chair. Il se retourna, son œil avide plongea dans la chambre de Hans Dorn.

Il vit une blonde tête d’adolescent qui se penchait sur une main blanche ; et il entendit un second baiser.

La figure de l’adolescent le frappa ; il la connaissait sans pouvoir dire en ce moment où il l’avait aperçue. Le visage de la femme se cachait derrière la cloison ; mais Jean n’avait point besoin de la voir : pour lui, ce ne pouvait être que Gertraud…

Un courant d’air se fit en sens inverse ; le battant retomba. Machinalement Jean se retourna, et reprit la position qu’on lui avait commandée.