Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/753

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Il ne pensait plus guère. Il était comme un homme qui vient de recevoir un coup de massue.

— Tenez, Jean, dit Gertraud, qui apportait enfin les habits ; mon père va rentrer ; allez-vous-en bien vite, et rendez-moi tout cela demain, de bon matin.

Jean ne bougea pas ; il garda le silence. Ses yeux s’attachaient sur la jeune fille, mornes et comme stupéfiés.

— Eh bien !… dit Gertraud, en lui tendant le paquet.

Jean Rcgnault se retourna lentement et mit son regard sur la porte de Hans, qui était maintenant fermée.

Gertraud frappa le carreau de son petit pied avec impatience.

— Oh ! Gertraud ! Gertraud ! murmura Jean qui joignit ses mains d’un air suppliant ; je vous en prie, ayez pitié de moi !…

Gertraud ne comprenait point le motif de cette subite détresse, et Denise venait de lui dire en passant qu’elle voulait se retirer.

Elle mit le paquet entre les mains de Jean et le poussa en se jouant jusque sur l’escalier.

Puis elle referma la porte sur lui.

Jean descendit les marches une à une, suivant l’impulsion donnée, et avec la roideur d’un automate.

Quand il fut arrivé dans la cour, il couvrit de ses deux mains son visage en feu. Une pensée venait de luire parmi la nuit de sa cervelle ; il se souvenait.

C’était à cet endroit-là même où il se trouvait maintenant qu’il avait aperçu pour la première fois ce beau jeune homme ; et Gertraud était là encore !…

Il releva la tête vers la fenêtre éclairée de sa maîtresse, puis il s’enfuit en étreignant son cœur qui défaillait.

L’instant d’après, Franz et Denise quittaient à leur tour la maison de Hans Dorn.

— Dieu veuille que vos espoirs se réalisent, Franz ! dit mademoiselle d’Audemer en arrivant au seuil de l’allée ; mais que vous soyez heureux ou malheureux, je suis votre fiancée… et si je ne vous appartiens pas, jamais un autre homme ne m’appellera sa femme.