Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/754

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La vieille Marianne s’éveilla en sursaut, au moment où Denise s’asseyait auprès d’elle sur les coussins de la voiture.

— Comme cette jeunesse est leste ! murmura la vieille femme ; je n’aurais jamais cru qu’on pût monter et descendre en si peu de temps !…

Gertraud était seule dans sa chambre et préparait son petit lit. Hans Dorn n’était pas rentré. Il n’y avait plus personne ni dans l’escalier ni dans la cour. Au bout de quelques minutes, la porte du bûcher s’ouvrit lentement et se referma sans bruit. Une masse noire glissa dans les ténèbres et descendit l’escalier en rampant.

Elle traversa la cour, puis l’allée sombre, pour gagner la place de la Rotonde.

La lueur lointaine des becs de gaz éclaira la face hâve de l’idiot Geignolet.

Il tenait à la main un énorme clou, qui était tout blanc de plâtre.

Il s’assit sur le pavé, le dos contre la muraille. Il tira de sa poche le lambeau qui lui servait de mouchoir et s’essuya le front. Puis il mesura de l’œil la partie de son clou que le plâtre avait blanchie.

— C’est dur ! grommela-t-il, et j’ai grand mal à mes mains ! mais le trou est profond de ça !

Il se mit à aiguiser la pointe de son fer contre le pavé.

Son chant rauque et monotone se joignit bientôt au grincement du métal.

Les premiers mots du couplet se perdirent en un murmure sourd et haletant ; puis sa voix s’éleva, et l’on aurait pu entendre :

J’ai vu le vieux Hans Dorn ouvrir son armoire.
Il a mis la boîte tout en haut, tout en haut !…
Demain mon trou sera fini.
Et je sais où sont les jaunets.
La bonne aventure, ô gué !…