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CHAPITRE XIX.

APRÈS MINUIT.

Minuit était sonné depuis une demi-heure. Les rues qui passent à travers les compartiments irréguliers des halles de Paris étaient plongées dans le silence. Çà et là, quelque bouchon montrait encore sa porte entr’ouverte, malgré les ordonnances de police, et c’est à peine si, de loin en loin, un ivrogne égaré essuyait les murailles, le long des trottoirs déserts.

Dans la rue de la Ferronnerie et tout le long du marché des Innocents, jusqu’à la pointe Saint-Eustache, les marchandes campagnardes dormaient entre leurs paniers. Il faisait froid ; les cabaretiers privilégiés de la rue aux Fers versaient leur trois-six illustre à de nombreux chalands. Des rondes muettes glissaient sous les réverbères, trois ombres noires d’un côté de la rue, trois ombres noires de l’autre, faisant aux voleurs trop fins une chasse toujours malheureuse.

Deux hommes allaient lentement dans l’obscurité profonde qui règne à cette heure sous les piliers des halles.

Ils avaient l’air triste et tout déconfit ; l’un d’eux chancelait en marchant comme un homme vaincu par l’ivresse, et son camarade était obligé de le soutenir.