Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/191

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jamais voulu me dire… Ah ! c’est cette femme damnée qui est la princesse !…

— Elle-même !… Nous étions seuls tous deux.

» Franz entra. Sur ses lèvres errait ce confiant sourire que nous connaissions à notre Margarethe heureuse. Oh ! je vous le jure, à voir le regard de cette femme percer les rideaux de la loge comme un dard, et se fixer, venimeux, sur l’enfant, j’ai eu peur pour la première fois de ma vie…

» Je me disais : elle est belle, sa prunelle fascine, ses caresses aveuglent ; si le malheur voulait que Gunther échappât à notre surveillance… »

Il n’acheva pas.

Dans le silence qui suivit, on entendit la respiration oppressée des trois frères.

— Que Dieu ait pitié de nous ! dit Albert, si nous avons commis une faute, le châtiment serait trop cruel !…

La montre d’Otto, interrogée, sonna trois heures et demie.

— Comme le temps vole ! dit-il, et comme nous allons lentement !

Les chevaux précipitaient leur course ardente ; mais il semblait à son impatience terrible que la chaise restait stationnaire.

— J’entrai chez elle, reprit Otto, le jeudi, 8 février, à midi. Je ne me dissimulais pas le danger qu’il y avait à lui déclarer la guerre ; mais la maison chancelait et il faut que notre Gunther ait la noble fortune de ses aïeux.

» Elle vint à moi souriante et sûre de son empire.

» — Deux grands jours sans me voir !… savez-vous que c’est bien long, Monsieur, me dit-elle ; je crois que vous me délaissez !…

» — Madame, répondis-je, ce n’est point ici une entrevue d’amour… je viens au nom du docteur José Mira, ou plutôt au nom de la maison de Geldberg.

» Elle me regarda d’un air étonné.

» — Je vais de surprise en surprise, murmura-t-elle après un instant de silence et en donnant à sa voix des inflexions dédaigneuses ; Albert, que j’ai connu si fier !… si gentilhomme !… Albert, réduit au rôle d’a-