Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/209

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C’était tout ; impossible de savoir au juste ce que faisaient là ces étranges fantômes.

Ce qu’on pouvait prévoir, c’est qu’ils arrangeaient quelque pièce importante du feu d’artifice.

Aussi tous les regards se fixaient-ils, désormais, précisément vers cet endroit ; on ne voyait plus rien depuis que la lanterne avait été remontée sur le rempart ; mais l’œil des spectateurs gardait cette place dans la nuit ; on ne la quittait point ; on craignait de la perdre ; c’était de là, sans doute, que devaient jaillir les merveilles attendues.

Bien qu’on fût encore en hiver et que le vent de février n’eût point adouci, pour la circonstance, son souffle piquant, il y avait autour des fossés de Geldberg innombrable compagnie.

Les invités privilégiés qui venaient de quitter les salles chaudes du château grelottaient bien un peu sous les arbres de l’avenue, mais, en somme, on avait pris contre le froid de victorieuses précautions. Les hommes boutonnaient jusqu’au menton leurs paletots parisiens, les dames s’emmitoufflaient dans de molles fourrures et garaient leurs pieds, grands ou petits, contre l’humidité du gazon, à l’aide de socques nouvellement inventés et qui devaient conserver le surnom d’allemands.

Les invités de seconde classe, en beaucoup plus grand nombre et qui arrivaient des villes voisines où ils avaient établi leurs quartiers, cherchaient volontiers à se mêler aux héros de la fête ; ils s’approchaient le plus possible de l’enceinte réservée où l’on avait placé de confortables sièges ; quelques-uns même, profitant de l’obscurité, forçaient la consigne et se prélassaient effrontément dans des fauteuils, destinés à de plus forts actionnaires.

Car il ne faut point l’oublier, au fond de tout cela il y avait à souscrire un capital de cent quatre-vingts millions.

Enfin, sur la lisière des taillis voisins, le long des haies et jusque sur la lande, s’éparpillait une autre foule qui n’était pas du tout invitée.

C’étaient de bons bourgeois d’Esselbach, d’Obernburg, etc., venus avec leurs familles, des paysans des environs et d’anciens tenanciers de Bluthaupt.